Les Ailes du désir : quand l'infini aspire à l'éphémère

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Il y a quelques mois de cela, alors que je scrollais sur mon feed X, une image a soudainement attiré mon attention. Perchée au-dessus d’une ville grise, une silhouette ailée contemplait ses habitants avec une profonde mélancolie. Son regard, à la fois distant et intense, semblait sonder les âmes des mortels qui grouillaient en contrebas. Intrigué par cette image, je me suis empressé de rechercher sa provenance. Et c’est ainsi que j’ai découvert qu’elle était tirée du film Les Ailes du désir réalisé en 1987 par le cinéaste allemand Wim Wenders. Fasciné par l’atmosphère mystérieuse et poétique qui se dégageait de cette photo, je n’ai eu d’autre choix que de visionner le film…

Des anges et des hommes Des anges et des hommes

Plongeant dans le Berlin d’avant la chute du mur, Les Ailes du désir nous invite à suivre le destin de deux anges, Damiel et Cassiel. Ces êtres immortels, invisibles aux yeux des humains, errent dans la ville, témoins silencieux des joies, des peines et des pensées des habitants. Le film nous offre un regard unique sur le monde à travers leurs yeux, un monde dénué de couleurs, figé dans une éternelle nuance de gris, reflétant la perception détachée des anges.

Tandis que les mortels évoluent dans un monde vibrant de couleurs, les anges eux, ne perçoivent qu’une réalité monochrome, privée de chaleur et d’émotions. Cette absence de couleurs souligne la vacuité de leur existence immortelle, en contraste avec la richesse et la complexité de la vie humaine.

Des anges gardiens... pas tout à fait Des anges gardiens… pas tout à fait

Loin de se limiter au rôle d’anges gardiens traditionnels, Damiel et Cassiel ont pour mission, comme l’explique Cassiel, de “certifier, conserver et recueillir” la réalité dans son intégralité. Ils sont les témoins silencieux de l’humanité, enregistrant chaque instant, chaque pensée, chaque émotion, comme les gardiens d’une mémoire collective invisible. Leur rôle d’observateurs passifs les confronte à l’immensité et à la complexité de la vie humaine, éveillant en eux des questionnements profonds sur leur propre existence.

Car ces anges, bien que dotés d’une compassion et d’une attention profondes pour le genre humain, ne possèdent aucun pouvoir d’action tangible. Leur nature divine se manifeste uniquement par leur état invisible et immortel, les séparant du monde des mortels et limitant leur interaction avec celui-ci.

i Je sais enfin ce qu’aucun ange ne sait.

Damiel incarne un paradoxe fascinant : il désire ardemment échapper à la monotonie inhérente à son statut d’ange, pour se plonger dans l’incertitude et la complexité de l’expérience humaine. Il aspire à connaître le monde par les sens, à ressentir la chaleur d’une tasse de café, la douleur d’une perte et l’extase de l’amour, à ressentir les émotions dans toute leur intensité, même si cela implique la souffrance et la mort. La rencontre de Marion, une trapéziste pleine de vie et d’énergie, cristallise le désir de Damiel de s’intégrer au monde des humains. Son amour pour elle devient le catalyseur de sa transformation, le poussant à franchir le pas et à renoncer à son immortalité pour goûter aux joies et aux peines de l’existence humaine.

Le choix de Damiel de renoncer à son immortalité pour embrasser la condition humaine, est une affirmation puissante de la valeur de la vie, même dans sa brièveté et son imperfection. Ce choix suggère que la vie, dans toute sa complexité et ses défis, possède une richesse inestimable qui dépasse de loin l’existence éternelle.

j Au diable l’éternité !

En somme, Les Ailes du désir transcende le simple cadre narratif pour devenir une méditation poétique sur l’essence de notre humanité. À travers la perspective des anges, le film nous invite à contempler notre existence avec une nouvelle acuité, à apprécier la beauté éphémère de notre passage sur terre.

En ce sens, l’œuvre de Wim Wenders résonne comme une ode à la vie, une réflexion sur la condition humaine nous invitant à célébrer notre humanité dans toute sa splendeur et sa fragilité. Elle nous encourage à nous reconnecter les uns aux autres et à apprécier les petits plaisirs simples de la vie quotidienne - à redécouvrir la joie de vivre.